Sur PowerPoint comme à l’oral, beaucoup de présentations ressemblent à un catalogue de faits : des chiffres, des bullet points, quelques graphiques… et un public qui décroche doucement en regardant l’heure. Pourtant, vous le savez : ce n’est pas le contenu qui manque, c’est l’histoire.
C’est là qu’entre en scène le storytelling. Pas une fable pour enfants, mais un véritable outil stratégique pour structurer vos idées, captiver votre auditoire et le conduire là où vous voulez : vers une décision, une prise de conscience, une action.
Qu’est-ce que le storytelling, vraiment ?
On entend ce mot partout, au point qu’il semble parfois vide de sens. Revenons à l’essentiel.
Le storytelling, ce n’est pas “raconter une histoire” au hasard. C’est l’art d’organiser l’information sous forme de récit pour créer :
- une progression logique (on part d’un point A pour arriver à un point B) ;
- une tension (un problème, un enjeu, une question à résoudre) ;
- une identification (votre audience se reconnaît dans la situation) ;
- une émotion (même légère) qui donne envie de rester jusqu’au bout.
Dans vos slides et vos discours, le storytelling consiste donc à transformer :
- des données en enjeux ;
- des fonctionnalités en bénéfices ;
- des informations en décisions.
Ce n’est pas un vernis. C’est la colonne vertébrale de votre message.
Un storytelling efficace : à quoi ça ressemble pour vos slides et vos discours ?
Un storytelling efficace, c’est celui qui fait trois choses très simples (mais rarement bien faites) :
- il capte l’attention dès les premières secondes ;
- il garde le fil, sans perdre le public dans des détails inutiles ;
- il mène clairement à une action ou à une idée clé mémorisable.
Dans une présentation, cela se traduit par :
- un début qui pose un problème, une question, un enjeu ;
- un développement qui montre le chemin parcouru pour le résoudre ;
- une fin qui donne envie de passer à l’action : dire oui, tester, acheter, changer, décider.
Vous voyez la différence avec “Voici le sommaire de ce que je vais vous présenter aujourd’hui” ? Votre public aussi.
Pourquoi vos slides ont autant besoin de storytelling que vos discours
On croit souvent que le storytelling concerne surtout la partie orale. Erreur stratégique. Vos slides aussi sont des personnages à part entière dans l’histoire.
Sans storytelling, vos slides deviennent :
- des murs de texte que personne ne lit vraiment ;
- des graphiques sans contexte, donc sans impact ;
- des successions de sujets juxtaposés, sans fil conducteur.
Avec un storytelling pensé pour vos slides, vous obtenez :
- une progression claire : chaque slide répond à une question implicite du public ;
- des visuels qui illustrent l’histoire (pas juste “font joli”) ;
- un message principal qui reste en tête après la présentation.
Et surtout, vos slides et votre discours se mettent enfin à travailler ensemble, au lieu de se parasiter. Votre voix raconte, les slides soutiennent. Pas l’inverse.
Les ingrédients d’un storytelling efficace pour une présentation
Vous n’avez pas besoin d’être scénariste pour créer un bon storytelling. Pensez en termes d’ingrédients plutôt que de “génie créatif”. Voici les principaux.
1. Un héros (indice : ce n’est pas vous)
Le héros de votre histoire, ce n’est ni votre marque ni votre produit. Le héros, c’est :
- votre client ;
- votre utilisateur ;
- votre équipe ;
- ou même votre audience elle-même.
Votre rôle à vous ? Vous êtes le guide. Celui qui apporte la méthode, la solution, la vision.
Exemple : au lieu de “Notre logiciel de gestion de projet est le plus performant du marché”, vous racontez : “Les chefs de projet perdent 30 % de leur temps à recoller les morceaux entre Excel, les mails et les réunions. Voilà comment on leur rend ces 30 %.”
2. Un enjeu clair
S’il n’y a pas d’enjeu, il n’y a pas d’histoire. Pourquoi votre audience devrait-elle écouter ? Qu’est-ce qui est en jeu ? Du temps, de l’argent, du stress, de la crédibilité, de la performance…
L’enjeu doit être formulé rapidement, idéalement dans les premières minutes :
“Aujourd’hui, vous avez un problème : vos réunions se terminent systématiquement en retard, sans décision claire. On va changer ça.”
3. Un obstacle (ou plusieurs)
Sans obstacle, votre histoire ressemble à un tutoriel tiède. L’obstacle, c’est :
- les limites actuelles ;
- les freins ;
- les objections de votre public ;
- les erreurs courantes.
C’est en les montrant que vous prouvez que vous comprenez vraiment la réalité de votre audience.
4. Une transformation
Un storytelling efficace ne raconte pas seulement ce que vous faites. Il montre ce qui change pour le héros :
- avant : désorganisation, stress, perte de temps ;
- après : clarté, structure, décisions prises.
C’est cette transformation que vos slides doivent rendre visible, très concrètement.
5. Une morale… orientée action
Non pas une morale philosophique, mais un message clé : “Voilà ce que vous devez retenir, et voilà ce que vous pouvez faire dès maintenant.”
Sans ça, même une belle histoire retombe comme un soufflé.
Structurer votre storytelling : un schéma simple pour vos slides
Si vous aimez les structures qui tiennent sur un post-it, en voici une pour construire vos présentations.
Phase 1 – Le contexte
Vous posez la scène :
- Qui est concerné ?
- Dans quelle situation ?
- Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ?
Sur vos slides, cela peut être : une phrase forte, un visuel qui résume la situation actuelle, une statistique choc.
Phase 2 – Le problème / la tension
Vous mettez le doigt là où ça fait (un peu) mal :
- Que se passe-t-il si on ne change rien ?
- Où sont les pertes, les frustrations, les risques ?
C’est ici que vos slides doivent être particulièrement claires : un chiffre par slide, un exemple concret, une histoire courte.
Phase 3 – Le chemin
Vous présentez votre approche, vos solutions, vos étapes. C’est le cœur de vos slides :
- une méthode en 3 ou 4 étapes ;
- avant / après ;
- un plan de déploiement.
Veillez à garder une progression logique : chaque slide doit répondre à la question implicite que la précédente a soulevée.
Phase 4 – Le résultat
Vous montrez la transformation attendue :
- moins de temps perdu ;
- plus de ventes ;
- moins de risques ;
- équipes plus alignées.
Visuellement, c’est le moment d’utiliser des comparaisons, des chiffres avant/après, des témoignages.
Phase 5 – L’appel à l’action
Dernière étape : vous invitez à une action précise :
- valider un projet ;
- tester une solution ;
- changer une habitude ;
- adopter une nouvelle méthode.
Une slide, une action. Et une phrase claire : “Ce que je vous propose, c’est de…”
Comment adapter votre storytelling à vos slides PowerPoint
Une bonne histoire peut être sabotée par des slides mal conçues. Le design doit servir votre récit, pas l’étouffer.
1. Une idée forte par slide
Une slide = une idée. Pas trois. Pas cinq. Une.
Demandez-vous pour chaque slide : “Si je devais résumer cette slide en une phrase, ce serait quoi ?” Si vous avez du mal à répondre, c’est qu’il y a trop d’informations.
2. Des titres de slides qui racontent
Au lieu de “Contexte” ou “Résultats”, utilisez des titres narratifs :
- “Nos réunions durent 1h mais n’aboutissent à rien” ;
- “Nous perdons 2 jours par semaine à chercher des informations” ;
- “Après 3 mois, le nombre d’incidents a chuté de 40 %”.
Vos titres deviennent ainsi des phrases de votre histoire. Même si quelqu’un ne voit que les titres, il comprend le fil.
3. Des visuels qui incarnent le récit
Utilisez des visuels pour :
- montrer le “avant/après” ;
- incarner vos personnages (client type, utilisateur, équipe) ;
- rendre les chiffres concrets (barres, pictogrammes, comparaisons).
Évitez les images décoratives qui n’ajoutent rien à l’histoire. Chaque visuel doit répondre à la question : “Qu’est-ce que cela rend plus clair ?”
4. Le rythme visuel
Comme au cinéma, une présentation a un rythme :
- des slides “calmes” avec peu de texte ;
- des slides “denses” où vous rentrez dans le détail ;
- des slides “punchline” avec un chiffre ou une phrase clé.
Alterner ces types de slides permet de garder l’attention, d’éviter la fatigue visuelle et de créer des moments forts dans votre récit.
Comment adapter votre storytelling à votre discours oral
Une présentation, ce n’est pas un livre audio de vos slides. Votre discours doit enrichir, nuancer, incarner l’histoire.
1. Commencez par une accroche, pas par un sommaire
Oubliez “Bonjour, je vais vous présenter X en trois parties.” Allez directement à l’enjeu :
- une question : “Et si vos slides pouvaient faire la moitié du travail à votre place ?” ;
- une statistique : “60 % des présentations en réunion n’aboutissent à aucune décision.” ;
- une petite histoire vraie : “Lundi matin, 9h. Tout le monde est en réunion, personne n’écoute vraiment…”
C’est cette première minute qui décide si votre public embarque ou non.
2. Utilisez le “vous” le plus tôt possible
Votre auditoire ne veut pas seulement savoir ce que vous faites, il veut savoir ce que cela change pour lui.
Glissez rapidement des phrases comme :
- “Ce que ça veut dire pour vous, concrètement…” ;
- “Dans vos équipes, cela se traduit par…” ;
- “Vous avez sans doute déjà vécu cette situation…”
Le storytelling efficace parle à la personne en face, pas à un “marché” abstrait.
3. Racontez des micro-scènes
Une bonne histoire ne doit pas forcément être longue. Quelques phrases suffisent pour créer une scène :
“La semaine dernière, je suis intervenue dans une équipe où chaque chef de projet arrivait avec 40 slides remplies de texte. Résultat : au bout de 10 minutes, plus personne ne suivait. On a réduit à 12 slides. La semaine suivante, la réunion a duré 20 minutes de moins… et tout le monde savait quoi faire en sortant.”
C’est concret, mémorisable, et cela donne de la matière à vos idées.
4. Travaillez les transitions
Les transitions sont les coutures de votre récit. Sans elles, on a l’impression de passer d’un sujet à l’autre sans lien.
Préparez des phrases de passage :
- “Maintenant que le problème est posé, voyons comment on peut y répondre.” ;
- “On a vu pourquoi ça coince. Regardons maintenant ce qui change quand on fait X.” ;
- “Vous vous demandez peut-être si ça s’applique à votre contexte. Parlons-en.”
Ces phrases guident votre audience, comme un narrateur hors champ.
Erreurs fréquentes qui sabotent votre storytelling
Quelques pièges classiques à éviter si vous voulez que votre histoire fonctionne vraiment.
- Trop d’informations, pas assez de choix : vouloir tout dire, c’est souvent ne rien faire retenir. Choisissez vos messages clés.
- Un héros mal identifié : si on ne sait pas clairement à qui l’histoire arrive, il est difficile de s’y projeter.
- Pas d’enjeu clair : si on ne sait pas pourquoi c’est important, on décroche vite.
- Slides qui répètent mot pour mot ce que vous dites : double pénalité, visuelle et auditive. L’un doit compléter l’autre.
- Finale sans action : un récit bien mené, qui ne débouche sur aucune proposition concrète, laisse une légère frustration… et aucune décision.
Un mini-guide pour tester votre storytelling avant votre prochaine présentation
Avant votre prochaine réunion ou conférence, prenez quelques minutes avec ces questions :
- Qui est le héros de mon histoire ? (spoiler : pas moi)
- Quel est l’enjeu principal pour lui, en une phrase ?
- Quel est le “avant” et quel est le “après” que je veux lui montrer ?
- Est-ce que chaque slide sert clairement une étape de mon récit ?
- Est-ce que mes titres de slides pourraient raconter l’histoire à eux seuls ?
- Quelles sont les 2 ou 3 micro-histoires concrètes que je peux raconter pour incarner mes idées ?
- Quelle action précise je veux obtenir à la fin ?
Si vous pouvez répondre à ces questions, vous n’êtes plus en train de “faire une présentation PowerPoint”. Vous êtes en train de mettre en scène une histoire qui a une raison d’être, une structure, un impact.
Et c’est là que vos slides cessent d’être de simples supports… pour devenir cet espace vivant où l’on capte, convainc et, parfois, fait enfin bouger les choses.

